C’est le rire qui résonne à nouveau au Théâtre de l’Atelier avec Bigre, le mélo-burlesque culte de Pierre Guillois, qui revient dix ans après sa création, auréolé d’un Molière de la comédie (2017) et de plus de 230 000 spectateurs conquis.
Trois chambres de bonnes, trois destins brinquebalants, trois cœurs qui cognent contre les murs trop fins d’un immeuble parisien où l’amour, la maladresse et la gravité se confondent. Un gros, un grand maigre, et une belle femme sexy : la trinité du désastre s’active et rien n’arrêtera le ballet invraisemblable des catastrophes. Avec une précision d’horloger et la tendresse d’un clown, Pierre Guillois orchestre le chaos entre rencontres ratées, objets volants, fuites d’eau, incendies et tempêtes. Tout tremble. On rit beaucoup. Avec une précision d’horloger et la tendresse d’un clown, Pierre Guillois orchestre le chaos entre rencontres ratées, objets volants, fuites d’eau, incendies et tempêtes. Tout tremble. On rit beaucoup. Ce spectacle muet construit de pantomimes et de théâtre d’objets parle fort : les corps deviennent verbe, les maladresses poésie, et les chutes des élans d’amour.
Ce spectacle muet construit de pantomimes et de théâtre d’objets parle fort : les corps deviennent verbe, les maladresses poésie, et les chutes des élans d’amour.
Un rire universel, une mécanique de l’émotion
Ce qui sidère dans Bigre, c’est l’équilibre parfait entre le gag et la grâce. Le rire y est toujours au bord des larmes, le ridicule au bord de la tendresse. Les trois anti-héros — éternels naufragés du quotidien — deviennent des figures mythiques de notre époque : des êtres qui ratent tout, mais qui continuent à vivre, coûte que coûte. Dans un monde qui s’effondre souvent, le geste donne le goût du dérisoire. Mais aussi du partage. On rit d’eux, on rit de nous-mêmes.
Une filiation joyeuse avec Mathilda May
Dans cette veine du théâtre sans paroles, où les corps racontent davantage que les mots, Bigre dialogue à merveille avec l’univers de Mathilda May, autre grande exploratrice du burlesque silencieux. Comme elle l’a montré dans Open Space, Le Banquet ou Monsieur X (avec Pierre Richard), Mathilda May invente un théâtre de pantomimes et d’objets où la scénographie devient une langue à part entière. Chez elle comme chez Guillois, les gestes remplacent les dialogues, les objets se rebellent, et le désordre devient un poème. Deux artistes, deux univers, une même conviction : le rire peut être une forme de musique, et le silence une manière de dire le monde.
Avec une distribution formidable et un burlesque maîtrisé, Bigre est un bijou, un petit miracle d’équilibre entre le chaos et la grâce, la maladresse et la beauté. Ceux qui l’ont vu n’oublieront jamais la tendresse immense qui s’en dégage. Ceux qui le découvrent aujourd’hui comprendront pourquoi cette pièce a conquis le monde entier. Au fond, dans notre grand immeuble humain à la façon de la vie mode d’emploi de Perec, nous sommes tous un peu Bigres.

