Dans sa bouche
©Christophe Raynaud de Lage

Vive le sujet ! Mais cela dépend lequel...

par Philippe Noisette publié le 19/09/2019

Au Festival d’Avignon, les séries 3 et 4 du rendez-vous de la SACD ont plus que tout autre déçu. Mais une pépite co-signée Rébecca Chaillon et Pierre Guillois restera dans nos mémoires.

Dans une autre vie, Vive le Sujet ! s’est nommé Le Vif du Sujet, puis Le Sujet à Vif. Quant à son idée première – un interprète choisissant son chorégraphe – elle n’a cessé d’évoluer au fil des saisons. Jusqu’à devenir, aux yeux de certains, un petit exercice de style aussi rafraichissant qu’un Pac à l’eau – l’autre boisson officielle du Festival. Autant dire qu’après trois épisodes franchement décevants de cette fournée 2019, on était à deux doigts de réclamer un lot de consolation. Ou autre. Ce format est-il encore pertinent à l’heure des fresques et de YouTube ? Cet été, auront ainsi défilé un mentaliste, un comique pas drôle, une paire de créatrices pas inspirées. Seul le chorégraphe et danseur Christian Ubl, avec ses faux airs de Ged Marlon, semblait y croire un peu.

On en était là de nos réflexions lorsqu’a déboulé Rébecca Chaillon. « Milite comme elle respire », prévient la feuille de salle. Petite sœur de Joséphine Baker et de Marlène Saldana pour faire court, elle va embarquer son monde dans le bien nommé Sa bouche ne connaît pas de dimanche (Fable sanguine). Elle s’invente un personnage de bouchère butch à souhait, tablier façon cotte de maille en prime. La Chaillon n’est pas seule en scène : Pierre Guillois, l’auteur de Bigre, lui donne la réplique. Le festival commence alors.

Une fable déjantée avec un ravi de la crèche et une femme qui pense que Dieu en est une – de femme ! Les mots sont succulents, tendres ou vaches. Ce Dimanche de fête pourrait n’être que cela, une ballade tout feu tout flamme au pays des faux semblants. Mais le duo ne compte pas en rester là. Tout en lançant le barbecue – amis végétariens bonsoir ! –, Rebecca et Pierre se racontent, tombant les masques de la comédie. Elle rêve d’une « gouine des caraïbes dans les arts plastiques » et d’une autre France. Il s’excuse pour « Proust, Gide et Genet. Lady Di. Les 6 ans à Bussang ». On en passe.

Rébecca Chaillon a mis son manteau en – fausse – fourrure blanche, Pierre Guillois se la joue Christ gay en peinture façon Castellucci du pauvre. Ils sont magnifiques et justes. Le triomphe partagé fait chaud au cœur. Saignant le cœur. Vive le Sujet ! a sauvé sa peau. Comme le chante Ophélie Winter dans le spectacle, Dieu m’a donné la foi. Et Rebecca de s’en reprendre une tranche – de foie.

Philippe Noisette – www.sceneweb.fr